Odette Arseneault

Jeudi 2020-04-09
 

Exercice 1:  Vous venez de découvrir les lettres «P» et «C» dans votre sac (pour les femmes) et votre mallette (pour les hommes).  Trouvez le plus d’objets possibles qui commencent par ces lettres et qui se trouvent dans votre sac ou mallette.

 

Exercice 2: À l’aide d’au moins 4 ou 5 de ces objets, écrivez une histoire qui mettra en vedette votre artiste ou sportif préféré.


Jeudi 2020-04-16
 

Exercice 1:  Décrire un moment ou un événement dans la journée d’une personne très très, mais très distraite.

 

Exercice 2:  En cette période de confinement, décrivez une activité que vous avez réalisée ou que vous voulez réaliser, mais que vous remettiez toujours à plus tard… quand vous auriez le temps.


Jeudi 2020-04-23

 

Exercice 1:

À partir de la photo dans le fichier joint,  imaginez une histoire ou peut-être un souvenir qui vous rappelle «l’ancien temps». (Merci à Pauline pour la suggestion de cet exercice).

 

Exercice 2:

 

Imaginons qu’on a tous et toutes le même ami qui s’appelle Bertrand Dufour.  C’est aujourd’hui le jour de son anniversaire.  De quoi sera faite sa journée?


Jeudi 30 AVRIL 2020

 

Exercice 1:
La même phrase de départ pour tous.  Vous faites un texte sur le thème d’une enquête policière.  La phrase de départ est:  «Dès que j’aperçus mon père dans le hall de l’hôtel………………………

 

Exercice 2:
Vous devez inventer une nouvelle maladie.  Donnez-lui un nom, des symptômes, à qui elle s’attaque et la façon de la guérir.

 


Jeudi 7 mai 2020
Voici les deux exercices de la semaine:
Exercice 1:
Quand vous lancez un bébé en l’air, il rit, parce qu’il sait que vous l’attraperez.  C’est ça la CONFIANCE.  Écrivez une histoire ayant pour thème la confiance.
Exercice 2:
Dimanche prochain, ce sera la fête des mères.  Parlez-moi de la vôtre dans un texte qui la mettra en valeur.
Bonne semaine et bonne fête à toutes les mamans et à toutes les femmes. Bisous.

Jeudi le 14 mai 2020

Exercice 1:

Vous devez compléter les 2 phrases suivantes, soit en prose ou en vers selon votre inspiration du moment (thème libre)

«La vie est étrange avec ses détours

Nous l’apprenons tous un jour» …..

 

Exercice 2:

 

Vous avez trouvé une lettre dans votre boîte aux lettres et vous l’avez ouverte.  Mais cette lettre ne vous était pas adressée.  De qui était-elle? Que contient-elle? À qui était-elle adressée?.

Faites une belle histoire de cette lettre.

 

Jeudi 21 mai 2020

Comme d’habitude, à la fin de la saison d’écriture, on se rend au restaurant pour se réunir une dernière fois et papoter ensemble dans un décor moins formel.

 

Vous devez donc imaginer dans quel restaurant on se rendrait, qui serait là, qu’est-ce-que vous mangerez, que vous boirez, quel sera votre dessert, quelle sera l’ambiance, le service, les jeux et que se dira-t-on à la fin du repas.

 

Bon dernier atelier.



CONTE
Voici le canevas pour l’écriture du chapitre 1:
Les personnages discutent du problème de l’émir de Kadash.  La sultane écoute, dissimulée derrière une fenêtre grillagée qui donne sur la salle du Conseil.  Pour lier les deux familles, on suggère de demander la fille de l’émir en mariage et d’inviter son jeune fils à devenir l’écuyer de Karim.Le défi en réalisant votre texte d’une page environ ou moins est de faire intervenir les cinq sens (toucher, odorat, goût, vision et audition).

L’exercice de cette semaine est de choisir deux personnages dans la liste des personnages et de décrire leur apparence physique (taille, allure générale, cheveux, etc.), leur caractère (leur manière d’être, qualités, défauts, etc.)

Farid 15 ans, fils de la marchande Séphora, femme sans âge aux propriétés mystiques possédant l’accès aux sources des élixirs prisés par les chamanes des grands souverains.Farid attise les regards. Des yeux aux couleurs du temps et un sourire infligeant la quiétude. À 10 ans, il est contraint par la mort de son père de rejoindre les amis choisis, les privilégiés pour amuser le fils de l’Émir kamil bin Abdoul.

 

Dès son intégration au palais, Farid obtient des muftis de l’émir, un respect et une fascination lui donnant accès au couloir de la choura. Malgré les larmes de la marchande, celui-ci se verra séparer de sa mère, de son amour maternel et de ses secrets. Cette ultime coupure, le rendra plus avide, plus ingambe et le guidera à la recherche de sa vérité sur le monde mystérieux dans lequel, il opère.

 

Ses journées se résument à comprendre la fatwas, l’étude coranique, et de longues heures à manier les armes. Pour l’honneur du fils de l’Émir, Djamil, il s’abstient de gagner les parties de Manecalé sous le regard attendri de sa jeune sœur, Soray. Mais au fond, les deux jeunes hommes se vouent une affection qui dépassent l’amitié.


Chapitre 3

Le Général Al-Din arrive à Kadesh.

– Décrivez son arrivée et sa réception par l »Émir Kamel bin Abdoul

– Ce dernier lit la lettre demandant la main de Soraya pour Karim, le fils du sultan.

Écrivez cette lettre.

– Quelle est la réaction de l’Émir devant cette demande: ce qu’il en pense vraiment et ce qu’il dit à l’ambassadeur.

 

Le Général Al-Din arrive à Kadesh.

Trois jours et trois nuits sur la route du soleil, enfin, le général Al-Din entre dans la prestigieuse ville de l’émir. Kadesh, ville de la « divinité » selon la mythologie grecque. Elle fut le haut lieu de la première grande bataille en 1274 av. J.C. et qui a opposé deux des plus grandes puissances du Moyen-Orient : l’empire hittite de Muwatalli, et le nouvel empire égyptien de Ramsès ll. Les vestiges (description sur l’architecture égyptienne) de cette époque trônent aux portes de la capitale de l’émir, Muhammad al-Din. L’Émirat est l’exemple parfait de la vie musulmane et de sa fonction politique. Elle s’affirme par la présence de l’alcazar, le palais du calife (description de l’architecture de style des palais de l’Alhambra) et de ses nombreuses mosquées de quartier pour accueillir les fidèles. Les commerçants très florissants grâce aux bateaux ou caravanes remplient en provenance du bassin méditerranéen, d’Afrique, Inde et la Chine. Le califat est le joyau du pouvoir ultime pour et contre le sultan.  L’émir, Kamel bien conscient de cet atout. Il gouverne avec déférence. Elle se mesure avec son or, ses épices, ses pierres précieuses, son ivoire, ses papiers, ses tissus, et la provenance de ses esclaves… Les souks sont le poumon de Kadesh et permettent à l’émir de lui donner un pouvoir sur le sultan. Et il maîtrise son atout face à Son Altesse.

Le général s’abreuve lui et sa précieuse monture noire, pure race avec sa tête très typée et son port de queue relevé, au sébil d’eau fraîche. Il se dirige vers le hammam pour y prendre un bain avant de se présenter à l’émir près de la grande mosquée. (Description de son corps et des vertus du hammam) Accompagné de pèlerins se purifiant, et respectant le rituel qui précède la prière.  Il s’assure de confier sa jument à un palefrenier consciencieux des soins requis.

Plutôt, le général a informé un coursier princier de sa venue à la salle d’audience des ministres. Mais ce message, l’Émir, le connaissait déjà. Ses contacts au sultanat avaient devancé son arrivée avec cette missive; « Le général, Muhammad al-din voyagera à selle jours et nuits vers l’oasis de l’Émir pour convoiter son bien précieux. Kamel (trait caractéristique de Kamel) présageait l’éventuelle demande du Sultan.  Tout le royaume convoitait ses biens. Dans chacune des villes, les nouvelles de ces arrivages lui conféraient l’envie.

À l’intérieur du Diwan, Kamel siégeait en silence. En attente du messager de son rival ultime, le responsable de la douleur infini de son cœur, son amour fou porté à la belle et farouche Fatma alors âgée de 17 ans et maintenant épouse du sultan depuis 20 ans. Tous les deux éperdument amoureux ne pouvaient se passer un de l’autre. A cette époque Kamel, fils de paysan, s’était juré d’accéder au pouvoir. Il avait prouvé à plusieurs guerriers son intelligence et sa force pour prendre l d’assaut l’émir de Kadesh et ainsi obtenir la main de la jolie Fatma.. Mais son père lui a préféré le sultan le croyant sans valeur pour fille. La rage et la colère de la perdre a attisé le feu en lui. Elle s’est transformée en une force invincible et lui confère un notoriété que peu d’homme ose affronter.


 

Le canevas pour le chapitre 4 est le suivant :

–Durant le festin, l’Émir de Kadesh présente Soraya aux ambassadeurs.

-Al-Din est subjugué par Soraya, en devient amoureux

-Fatma chante une chanson qui parle d’un amour perdu.

-Quels sont les plans futurs de l’Émir?

 

Les textes sont dus pour le 14 juin.

Bien entendu, tous peuvent participer à cet exercice.

Bonne écriture!

Yves Dion


 

Jour 24

 

Enfin, la nuit est tombée, les étoiles brillent plus que d’habitudes dans le regard de Fatma debout sur son balcon. Son cœur s’accélère à l’idée d’être à nouveau dans les bras de son amant Kamel. Le désir monte en elle à la pensée de retrouver son corps fort et musclé aux mains habiles pour assouvir ses phantasmes. À ce même moment, elle entend des pas dans sa chambre. Est-ce lui qui revient dans son lit tel que promis pour une autre nuit d’amour?

 

Kamel se tient debout devant la porte secrète, il la regarde avec contemplation. Ses yeux sont envoûtés par la femme qu’il ne veut plus quitter.

 

  • Oh! te voilà enfin!

 

Sans dire mot, leurs corps reprirent le rythme de la nuit dernière. Cherchant à offrir à l’autre du plaisir. Les baisers, se répétant de manière continuelle, sans arrêt à la recherche de faire un.  Fort avant la nuit, voyant la lumière se lever, une larme se mit à couler sur la joue de Fatma.

 

Inquiet, Kamel lui demande :

 

  • Mon amour ! Pourquoi tes yeux sont-ils noyés de tristesse ? N’es-tu pas bien dans mes bras? Je suis fou de toi. Je ne veux plus que tu me quittes. Je te garde auprès de moi. Je ne pourrai vivre sans toi. Je t’ai toujours aimé et maintenant que tu es dans mon lit, tu y resteras. N’est-ce pas ton désir ?

 

Fatma buvant ses mots d’amour avec la gorge nouée par la peine et la peur répond :

 

  • Kamel, mon premier amour et le seul … Je suis l’épouse du Sultan. Je suis ici pour demander la main de ta ravissante fille pour notre fils, Djamel promût sultan. J’ai voulu m’enquérir de cette missive, car je voulais te revoir. Et me voilà dans tes bras. Je me suis prise à mon propre piège. De toute ma vie, mon corps a connu autant d’extases qu’avec toi. Depuis, tout mon être aspire à vivre dans tes bras pour t’aimer et te chérir. Dans quelques jours, je devrai retourner auprès de mon époux et reprendre ma place au palais. Oh! Quel déchirement de concevoir te quitter à nouveau!

 

Le souffle coupé par le désespoir, Fatma tombe en larmes dans les bras de Kamel. Celui-ci la serre fortement contre son torse nu et lui dit doucement dans l’oreille :

 

  • Ma chérie, mon amour est confiance en moi. Après t’avoir quitté la nuit dernière, j’ai réfléchi longuement pour trouver le moyen de te garder auprès de moi pour l’éternité. Écoute ce que je réserve à ton cher époux.

 

 

Graduellement, Fatma reprit son souffle et la confiance revint sur son visage à l’écoute du plan élaboré par la magnificence de son valeureux guerrier. Elle lui promit de garder le silence. De ne dire mot à personne même avec Djamil qui lui aussi sera aux faits des évènements à venir.

 

Avant que les dames de chambre entrent pour préparer le bain de Fatma, les amoureux se quittent rassurés par la conviction d’une union éventuelle.

 

Kamel ne perd pas de temps pour mettre en marche son stratagème. Sa priorité convoquée, sa fille dans ses appartements privés pour lui annoncer qu’il accepte la demande du sultan.  Il est méticuleux dans ses actions, car la gloire est pour bientôt. Ses pions avancent sur son échiquier pour l’ultime ¨Échec au roi¨. Sa future vengeance révoquera sa suprématie. Il se méfie de tous ceux qui gravitent autour du sultan surtout le général Al-Din. Rien ne doit lui échapper.

 

On avise l’Émir que sa fille arrive. Elle apparait sous ses yeux, toute souriante et entonnant une ribambelle d’histoires plus loufoques les unes que les autres. Admiratif devant son enfant, il l’écoute avec engouement. Cette jeune femme au tempérant indépendant et affectueuse a toujours obtenu tout de son père. Depuis la mort de sa mère, la jeune Soroya au caractère fort et si attachant a grandi dans une liberté proscrite aux filles et aux femmes. Le père interrompt sa fille dans ses histoires de courses à cheval.

 

  • Soya (petit sobriquet entre le père et la fille) je suis au courant de ta sortie à cheval avec le général Al-Din. Tu dépasses les règles de convenance pour une jeune fille promise au fils du Sultan. Je ne veux plus de te savoir seul avec cet homme. M’as-tu comprise ?

 

Les épaules montées, le regard en furi, Soroya répond :

 

  • Père ! Le Général et moi, nous sommes deux fervents d’équitation. Il monte merveilleusement à cheval et vous connaissez ma passion pour cet animal. C’est ce que j’ai de plus précieux au monde après vous. Ne m’empêchez pas de monter à nouveau à cheval avec lui. J’ai eu tant de plaisir à montrer mon adresse à un vrai cavalier.

 

  • C’est non ! J’ai des raisons de t’interdire d’être seule en sa compagnie même si c’est un excellent cavalier. Tu n’as pas besoin de prouver à personne que tu excelle sur ta monture. Tout l’oasis est au fait de tes qualités de cavalières. De toute façon, ce n’est pas à lui que tu dois prouver tes aptitudes.

 

Kamel devient silencieux et le regard lointain…

 

  • À qui père ?

 

Sur un ton solennel, Kamel répond :

 

  • Soroya ! Assis-toi ! Et Écoute-moi attentivement!

 

La jeune fille surprise par le ton de voix de son père s’assoit sur un coussin près de lui et dépose son visage sur ses genoux. D’un regard attendri, elle écoute.

 

  • Ma fille, je t’ai demandé à te voir pour te parler du fils du sultan donc épargne moi tes soucis de chevaux. Tu as le don de me faire dévier de mon rôle de père et d’Émir. Tant de fois, tu as réussi à obtenir de moi des grâces qui m’ont donné bien des soucis. Ma chère enfant, tu as grandi en connaissant pertinemment ta fonction en tant que fille d’Émir. Actuellement, nos hôtes, le Général Al-Din et l’épouse du Sultan attendent ma réponse pour l’union de nos deux familles. Ma décision est prise et je consens à ce mariage entre toi et le futur sultan de Al-Khandra. C’est un choix inouï pour le bien de tous. Tu repartiras avec eux pour la nikah. D’ici là, profite de tes chevaux de ta liberté que tu possèdes ici. Tu emporteras ta jument préférée. Ta nourrice Almina t’accompagnera. voyage. Elle veillera à ton éducation pour la suite de ta vie d’épouse et de mère.  De plus, je consens à ce que ton frère, Djamil devienne écuyer du prince. Tu passeras par lui pour me partager ta bénédiction. Le mariage est sacré et tu t’investiras pour le bonheur de ton tous.  Mon enfant, sache que la liberté est en toi, elle t’appartient…  Si tu la cherches, ferme les yeux, elle apparaitra à nouveau. N’oublie jamais ses paroles. Qu’Allah te bénisse.

 

Les mains dans ces longs cheveux noirs bouclés, il caresse son doux visage. Le père et la fille vive un dernier moment de vie…

 

Dès la sortie de Soroya de ses appartements privés, l’émir Kamel se rend directement dans son haut lieu de gouverne. Il s’assure de la présence de son fils et de son ami, Farid ainsi que tous ses sujets loyaux pour rendre sa décision au général Al-Din. Dès que tous se retrouvent assis confortablement en chuchotant des ragots sur l’avenir de l’oasis de l’Émir. Celui-ci demande le silence, il a une annonce à faire :

 

  • Général Al-Din, digne sujet de notre grand sultan de l’Al-Khandra. Veuillez-vous rendre garant de ma décision au sultan.

 

Le général s’enquit avec un geste de la tête de la responsabilité de porter le message au palais. L’Émir s’exprima avec une voix ferme et sûre :

 

 

-Ma fille unique, Soroya né d’une première épouse avec dix-sept printemps         deviendra la première femme du fils, Karim, premier descendant du sultan d’Al-Khandra si celui-ci honorera la dote. Vous pouvez envoyer un messager courir ma réponse au palais. Pour la suite, avant votre départ, nous reparlerons de la dote et du voyage.

 

Suite à son court énoncé, on pouvait entendre une mouche volée. L’Émir se retira avec son fils laissant derrière lui éloges et diffamations courirent sur les lèvres des hommes présents sur la possible l’alliance entre l’oasis et Al-Khandra.

 

 


 

Jour 25

À la sortie de la jeune Soroya de ces appartements privés, l’Émir Kamel s’empresse de trouver son fils, Djamil pour l’informer du déroulement des événements à venir.  Celui-ci est en présence de son ami dévoué, Farid, dans la salle d’armes.  Un repère inaccessible aux hôtes. Tous les deux trompent le temps à spéculer sur des combats corps à corps. Tuerie, massacre, rivalité, des sujets de prédilections pour deux jeunes hommes absorbés par une soif de gloire. Le père dubitatif les regarde avec un air songeur. Kamel se remémore, lui, à cet âge. Jeune à l’esprit guerrier. Voulant à tout prix prouver sa toute-puissance, avide de triompher sur sa pauvreté.  Renverser le poids de sa naissance, fils de paysan. La mort était une option pour quitter ce rang.

Est-ce que son fils face à sa propre mort sera valeureux et résolu d’accéder aux courageux guerriers sur leur étoile toute puissante ?  Celle qui éclaire la nuit par sa blancheur. Parfois ronde, parfois morcelé et parfois absente. La voute des guerriers, cet astre qui les illumine la nuit des combats.

Kamel interrompt les deux jeunes hommes.

  • Mon fils, le temps des ambitions succède à l’action. J’ai accepté la demande du Sultan. Ta sœur est au courant et se prépare pour ce long voyage. Tu pars avec elle. Sa vie est entre tes mains.

Djamil surprit d’apprendre son départ. Interroge son père :

  • Père ! Comment participer à la conquête de l’Al-Ksandra si je deviens l’écuyer du Sultan?

  • Je réserve un guet-apens à celui-ci.

Farid écoute le père et le fils sans rien dire. Son silence témoigne de sa loyauté. Il voue

un attachement  sans failles pour l’émir et son fils. Depuis l’âge de 5 ans qu’il joue le rôle d’enfant-ami de l’héritier.  Avec les années, ce rôle s’est transformé en un mélange de sentiments du passage de la fratrie, à l’attirance à l’adulation. Farid ressent un abandon à la pensée de le voir partir loin de lui pour toujours. Le visage triste, il se questionne sur son propre avenir. Mais il n’ose pas partager son désir de l’accompagner.

Djamel poursuit son élocution sur son ambition de combattre l’armée du Sultan auprès de son père. Kamel termine court la conversation :

  • Fils! La conquête s’obtient contre l’homme qui lève le sabre contre toi. Mon âme coule dans tes veines. Tu es moi !

Kamel tourne son regard sur le jeune Farid. Et lui dit :

  • Farid, je connais ta fidélité envers mon fils et moi. Ton silence est d’or. Je t’estime plus qu’un ami de mon enfant. Tu es le garçon adopté sans papier, mais gravé sur mon épée. Toi et Djamel, vous vivez comme deux frères. Si ton envie de prendre la route avec mes enfants est ton souhait, il t’appartient de partir. Mais tu dois avant tout obtenir la bénédiction de ta mère. Elle a le droit de t’interdire de la quitter. Sa situation de veuve te met responsable d’elle. À toi de voir.

Aussitôt ses paroles dites, l’Émir se lève laissant les deux jeunes hommes à la recherche d’astuces pour ne pas se séparer. Djamil émet l’idée de réclamer l’aide du général Al-Din. Ensemble, ils se motivent. L’idée d’obtenir de la part du général des privilèges au nom du sultan émerge de la bouche de ces jeunes guerriers. Ils se prétendent avoir des droits d’être accueillis avec toutes les exigences inimaginables. Les discussions ou les suppositions se surpassent d’un à l’autre pour aboutir qu’il est impératif que l’ami honorable du fils de l’Émir et frère de la future épouse de l’héritier du royaume de l’Al-Ksandra reçoive une place de choix dans la cavalerie. Il est inévitable d’obtenir un engagement de la part du général Al-Din qui justifiera la peine et les larmes de Séphora, pour la perte de son fils unique. Sa consolation vivra dans l’ascension de son unique fils auprès des élus promus au ciel de lit.  

Les deux frères sans le sang, mais de cœur s’engagent à convaincre la veuve par la voix du général Al-Din, l’assurance d’un avenir prometteur pour Farid. Ainsi sa mère se réjouira de sacrifier son fils. Aux pas de course, ils traversent le palais et se dirigent vers sa chambre.  Les eunuques informent les garçons de vérifier près de l’écurie. Là où sont logés les trente cavaliers.

Le bruit des lames qui s’entrecroisent. Des hommes s’amusent à la volée d’un coup d’épée. Le feu ardent pour marteler le fer rouge et ciseler la vie de l’ennemi. Le hennissement des bêtes et l’odeur belliqueux mélangés à l’agneau brûlé.  Une ambiance tyrannique fait place au silence lorsque Djamil et Farid s’avancent vers eux. Les jeunes hommes demandent à parler au général Al-Din. Un homme aux mains noircies par le feu les informe qu’il se trouve auprès de l’Émir Kadesh. À cette nouvelle, ils quittent rapidement cette atmosphère pugnace.

Durant ce temps, derrière sa table de travail, l’émir Kamel flegmatique regarde ses cartes et invite son interlocuteur, Al-Din a tiré une d’entre elles. Le général courtois ramasse de sa main droite une carte. Il la regarde sans mot. Kamel lui demande de définir celle-ci. Al-Din répond :

  • Voici la carte de la déesse de l’amour.

Sur cette carte est dessinée:  une femme assit les jambes croisées aux longs cheveux noirs. Elle dévoile sa paume de main droite marquée d’un tatouage de la Hamsa. Le signe de protection contre le mauvais œil qui a pour effet de défendre toute personne qui chercherait à vous nuire. Et sur le pied gauche entouré d’un serpent, on y lit l’expression ¨Tanmout âlik¨ (je meurs d’amour pour toi).

Kamel sourit et s’exprime :

  • Général Al-Din, digne sujet de notre prestigieux sultan du royaume de l’Al-Tsandra. Votre carte est bénie par Allah. La déesse de l’amour se manifeste en faveur de l’union de ma fille au prétendant du sultanat. En votre présence, je vous confie la lettre témoignant de mon engagement d’offrir ma fille unique Soroya, né d’une première épouse de dix-sept printemps à son fils Karim. De plus, j’honore notre illustre sultan. Sa bienveillance envers mon fils, Djamil, de l’accueillir dans le poste prestigieux de Premier Écuyer de Karim est gage de confiance. Je compte sur vous, Général ! Assurez-vous que cette lettre passe de ma main directement à celle de notre sultan avant trois nuits. Personne à part vous ne devez connaître ma décision tant que le messager n’est pas revenu preuve à l’appui.

Le Général Al-Din s’enquit de répondre :

  • Émir Kamel, je vous félicite pout votre judicieuse décision. Le mariage de ces deux jeunes gens consolidera la paix sur le royaume et prodiguera richesse sur vos deux familles. Leur amour est béni par le Allah tout puissant. Je m’engage à respecter vos exigences pour le messager.

Qu’Allah vous bénisse en ses temps de bonheur.

En marchant vers le messager, lettre à la main, Al-Din éprouve une grande tristesse. Son cœur bat pour la belle Soroya dès que ces yeux se posèrent sur elle. Maintenant, il ne peut plus aspirer à la désirer. Sa tête s’embrouille à l’idée de la côtoyer de si près au palais la sachant dans le lit du fils, Karim. Il ne la mérite pas. Il va la briser de force cette fauve…une perle de femme forte et libre. L’esprit mêlé, il pense à comment renverser cette décision. Dans ses songes, il entend son nom crié par-dessus la rambarde. C’est le fils de l’Émir, Djamil et Farid qui lui crient de les rejoindre au jardin. Il prend les marches une à une essayant de reprendre ses esprits afin de rien laisser paraître.

Essoufflé, Djamil commence à s’adresser au Général pour l’informer de la requête de les aider à convaincre la mère de Farid. Celui-ci écoute méticuleusement leur souhait. Il accepte cette petite mission. Pour lui, il s’interroge sur cette mystérieuse relation entre ses deux jeunes hommes. Est-ce qu’on lui cache un fils non reconnu de l’Émir? Est-ce l’amoureux de la tendre Soroya ? Est-ce plus qu’une fratrie ? Accablée par le désespoir de rêver d’enlacer la jeune fougueuse cavalière. Il tarde à forger une réponse convenable pour soulager l’inquiétude des deux comparses. Il s’engage à leur fournir une proposition avant de prendre rendez-vous avec la veuve, Séphora.

Ils se quittent tous les trois absorbés par leur propre tourment.


Chapitre 12

Jour 31

Depuis deux semaines, l’astrologue Ibrahim Al-Jawali scrute le ciel avec une attention particulière. Aucun doute ne subsiste, une étoile voyageuse est apparue dans la constellation du Taureau. Allait-elle devenir une étoile chevelue, annonciatrice de grands malheurs ? La pleine lune nuit à ses observations, mais il craint le pire. Le Taureau est la constellation de naissances du prince héritier.
Il vérifie ses tables astronomiques des planètes : Vénus dans la Vierge, Jupiter et Mercure occultés par le Soleil, Mars dans le Cancer, Saturne dans le Capricorne… La nouvelle lune sera dans la Vierge dans deux semaines. Il connaît bien les dates et heures de naissance de la famille royale : Karim est Taureau, le sultan Cancer et Fatma Vierge. Que dire au sultan ? Comment lui présenter ces mauvaises nouvelles ?

Jour 32

Al-Jawali se présente devant le Conseil. On doit fixer la date du mariage de Karim. Il a le visage sombre d’un porteur de mauvaises nouvelles. Il hésite à tout révéler au sultan. Ce dernier, tout à son bonheur du mariage prochain, ne détecte pas la mine déconfite de l’astrologue royal.
Alors, quelle date convient aux célébrations ?
N’ayant ni la date exacte ni l’heure de la naissance de la princesse Soraya, il m’est impossible de choisir le moment favorable.
Comment ? L’horoscope de Karim devrait suffire, il me semble.
Habituellement, c’est le cas, vous avez raison, Votre Grandeur !
La politesse excessive et l’attitude gênée de l’astrologue deviennent évidentes pour le sultan : quelque chose cloche !
Déballez votre sac, je vous l’ordonne ! Pas de faux-fuyant avec moi, compris ?
D’une voix tremblotante, Al-Jawali s’exécute :
Une étoile voyageuse vient d’apparaître dans notre ciel. Elle se trouve dans la constellation du Taureau, celle de la naissance du Prince Karim. C’est un mauvais présage et, si elle se transforme en étoile chevelue, de grands malheurs tomberont sur nous. Je suggère de repousser le mariage et d’attendre un moment plus favorable.
Et que dit mon horoscope et de celui de la sultane Fatma ?
Mars est dans le Cancer : préparez-vous à la guerre ! Quant à Son Altesse la sultane, l’Amour la guide et la protège.
Cette dernière prédiction calme un peu les appréhensions du sultan : il ne doute pas de l’affection de sa première épouse.
Notre armée doit être mise en alerte maximale. Je redoute surtout une attaque des Mongols. Avons-nous des informations à leur sujet, Grand Vizir ?
Tout semble tranquille de ce côté. Ils consolident leur emprise sur l’Empire perse. Leur prochain objectif sera Bagdad, à mon avis.
Et les princes d’Arabie ?
Pas de mouvements de troupes chez eux, selon nos espions.
Ben Gour, votre avis.
Vos murailles sont solides et votre armée prête à intervenir : il vaut mieux attendre et ne pas prendre de décisions hâtives. Quant à l’étoile voyageuse, je ne suis pas convaincu qu’elle annonce nécessairement des calamités. On en a observé à toutes les époques et les catastrophes surviennent souvent en leur absence !
L’astrologue ne peut contenir sa stupéfaction.
Douteriez-vous des signes que le Ciel nous envoie pour nous guider ? Même de la bouche d’un infidèle, une telle aberration me renverse ! Les étoiles voyageuses stimulent les éfrits, ces génies malfaisants, c’est bien connu ! Espérons que celle-ci disparaisse avant de causer trop de dommages.
Le Grand Vizir ne peut contenir un méchant sourire durant cette joute verbale. Ben Gour en sera diminué dans l’esprit superstitieux du sultan, se dit-il. Le sultan met fin au Conseil par des ordres brefs qui cachent mal son désarroi.
Karim, assure-toi que nous soyons prêts en cas d’attaque. Doublez la garde et vérifiez toutes les entrées dans la ville. Les portes doivent demeurer fermées toutes les nuits. Grand Vizir, renseignez-vous de nouveau sur les princes d’Arabie. Ce sera tout pour le moment !
Il quitte le Conseil sans même un dernier salut. Karim le suit. Le vizir entraîne Al-Jawali dans une longue discussion, tous deux soudainement atteints de cécité envers le Juif Abraham ben Gour. Celui-ci hoche la tête : il peut ignorer le mépris du vizir et de l’astrologue, mais il demeure inquiet pour le sultan.

******

Le soir venu, le sultan Abdullah bin Ali met des habits de commerçant et se cache le visage sous un large capuchon. Il se fait accompagner d’un esclave fidèle et muet, bien armé et accoutumé à ses sorties discrètes. Il veut l’avis de la diseuse de bonne aventure Asma. Elle habite une petite maison près de la Jamaa al-Kébir, la Grande Place.
Il laisse son serviteur au coin de la rue. Trois coups rapides sur la porte : c’est le signal convenu pour une consultation. Les bracelets de pieds tintent : Asma ouvre le judas. Il relève un instant son couvre-chef. Elle s’empresse de débarrer en reconnaissant son visiteur.
Entrez, Seigneur Grandissime ! Votre esclave est à vos genoux. Désirez-vous un thé à la menthe, voulez-vous que je danse pour vous ?
Non, Asma ! Je suis ici pour connaître mon avenir.
Dans ce cas, installez-vous sur ces coussins. Je me prépare.
Elle va dans le foyer, choisit quelques charbons brûlants avec des pinces et les dépose dans un large bol en terre cuite. Elle y jette des herbes, un soupçon d’encens puis un peu d’une pâte brunâtre. Une vapeur âcre envahit la pièce. Le sultan y détecte l’odeur du haschich. Asma se met la tête au-dessus du récipient et inspire goulument, profondément. Son regard devient fixe et vague : elle semble plongée dans un monde de rêve, un ailleurs indéfini. Il frissonne malgré lui.
Que voyez-vous dans mon avenir ? Fatma est-elle en sécurité ? Que dois-je faire pour préserver mon royaume ?
Je perçois beaucoup de confusion, des nuages sombres vous enveloppent. Des batailles terribles se préparent. Méfiez-vous de quelqu’un qui se tient près de vous ! Trahison !
Et Fatma, est-elle en danger ?
L’Amour sera vainqueur !
Ces derniers mots de la prophétesse relèvent le moral du sultan, mais il demeure désemparé devant un avenir incertain. Il laisse un dinar d’or sur la table, remet son capuchon et quitte le réduit de la voyante. Si seulement Fatma était ici, près de moi, elle saurait me conseiller, soupire-t-il.


Jour 31

pour le 11 octobre 2020

Durant ce temps, au pays du sultan, la jubilation règne. Le grand Abdullah bin ali, premier de Al-Khandra maintient ces sujets dans un état de grâce. Ils fulminent en convoitant une richesse partagée. Crédules sont les mendiants à l’aube de l’espoir de s’abreuver à la fontaine dorée. Le jour de l’union, de la solution courtise les commerçants de pierres précieuses, de soie provenant de Changai, de produits raffinés pour combler les futurs époux. Tous s’engagent dans une valse, un dédale fascinant des plus illustres cadeaux connus en ces lieux en attendant la date du mariage.

La coutume prévoit de consulter l’astrologue de renom, Alba Ahzab, un personnage mythique ou le doute n’a pas sa place. Il s’annonce au palais à l’heure où la lumière s’allonge. Arborant de lourds vêtements aux nombres de ses années rendant sa démarche fastidieuse. Le visage éteint sous son keffieh retenu par un akal orné de pierres inconnues, l’homme avance vers le sultan entouré de sa garde rapprochée.

Il se place sans dire mot. Le sultan l’invite à lui dévoiler le jour indiqué par les étoiles pour l’union de son fils à la promise. Les yeux rivés vers le ciel avec une voix limpide, il partage son savoir :

– Actuellement, dans le ciel bleu de prusse, on distingue une nouvelle étoile. Elle est de passage pour de mauvais présages. Sa traversée est prédite depuis des siècles. Les philosophes anciens parlent d’elle comme une métaphore; la progression de l’homme par son effondrement sous l’étoile qui brille le jour.

Sur un ton de colère, les yeux noirs rivés sur AhZab, l’astrologue. Il l’ interrompt et dit :

– Des histoires sataniques, vos étoiles et tout le reste! Vous connaissez mon impatience envers votre science. Mon peuple la vénère, mais moi je la mets en doute. Répondez clairement pour le bien de mes sujets. Quel sont le jour et l’heure pour le mariage de ses enfants? Allah tout-puissant les bénira au nom de la loi!

– Maître! Votre sagesse brille sur vos sujets comme la lune durant la nuit. L’étoile de Morphée finira sa course le deuxième jour de l’arrivée de la jeune Soroya. Ce jour-là, votre peuple dansera dans les rues d’Al-Khandra au son des chants de la cérémonie. Qu’Allah vous remercie de tant de bonté pour votre jugement.

Il se retire de la salle doucement sans laisser de trace dans l’esprit des hommes bienveillants autour du sultan. Pour la plupart, ils ne craignent pas la pensée de AhZab. La prise de parole par Abdullah bin ali a suffi pour rassurer son fils, Karim, impétueux. Par contre, son conseiller et ami du sultan, Abraham ben gour féru de toutes les disciplines écrites et racontées à ce jour craint pour lui. C’est d’un échange bref du regard que les deux hommes voient l’incertitude. Le Sultan ordonne de quitter la salle pour réfléchir avant de donner la date officielle. D’un seul signe de tête à son vieil ami, celui-ci comprend son besoin de connaître son opinion. Dès que le silence les entoure, les yeux rivés sur sa pensée, Ben gour répond :

– Ali, mon vieil ami, ton rêve de régner sur ton empire sans guerres, c’est noble. Combler ta puissance par l’union de ton enfant dévoile ta suprématie. Et j’acquiesce à ta décision. Suivons les conseils de l’astrologue. Attendons le passage de Morphée.

Dans la nuit suivant le présage de l’astrologue, le sultan se réveille en nage. La peur d’anéantir son règne par son besoin de dominer toujours plus loin. Le sommeil altéré par l’anxiété d’être dépossédé. Pour lui, la mort est inévitable … La sienne ou la perte de ceux qu’il aime plus que tout, plus que sa vie. Un sentiment de frayeur l’envahit. La consultation avec l’astrologue l’a chaviré. Son inquiétude pour son épouse Fatma l’empêche d’être serein dans ces décisions. À l’aube, il se rendra au repère de sa diseuse de bonne aventure, Asma. Elle vit dans un petit logis dans le bas de la ville. Personne n’est au courant de ses visites. Il s’y rend habillé en paysan sous le couvert de l’anonymat. Asma respecte son sultan et elle honore sa visite comme un cadeau du ciel. Il la consulte depuis sa nomination au trône au décès de son père. Elle utilise parfois le thé, parfois des cartes. C’est elle qui décide selon l’instant du moment.

Le sultan ne trouvant pas le sommeil. Son esprit reste troublé par deux sentiments, la joie du mariage de son fils et l’inquiétude persistante pour son épouse, Fatma. Il décide de se rendre immédiatement au logis de Asma. Dans un coffre bien camouflé, il prend dans ses mains la kandoura en lin et il l’enfile. Minutieusement, il dépose sur sa tête la guthra et avec il cache son visage pour traverser les ruelles qui mènent chez sa voyante.

Avec ses habits de paysan, il circule dans les rues de son royaume sans être reconnu. Il arrive à la porte de la maison d’Asma. Il frappe de son poing, huit coups. C’est le signe de l’infini, de la puissance. Asma reconnaît ses huit coups et laisse entrer sans regarder son sultan. Elle remercie Allah de sa présence. Elle pleure de joie au contact de baiser sa main droite. Rapidement, le sultan lui demande conseil :

– Asma que voyiez-vous? Est-ce le mariage de mon fils? Est-ce mon épouse? Dois-je m’inquiéter pour mon pouvoir ?

Asma, le visage baissé invite le sultan à s’asseoir sur le coussin usé devant la petite table ronde en bois vacillante et lui offre de boire le thé aigre. Le temps de prendre son jeu de tarots marseillais entre ses deux petites mains brunes brûlées par le soleil et le temps. L’usure de son visage se voit malgré son voile. Abdullah bin Ali obéit à cette femme portant d’innombrables tissus colorés un sur l’autre couvrant sa grosse stature. La lueur du jour ne suffit pas à éclairer la table et ce qui l’entoure. Deux candélabres allumés rendent la pièce plus mystérieuse. Elle fixe ses cartes et elle demande au sultan d’en prendre trois.

Son visage s’assombrit en voyant les trois cartes. L’amoureux. Le soleil. Le diable.

Empressé, le sultan demande :

– Tu voies quoi dans tes cartes ? Dis-moi ?

Elle répond de sa voix éraillée :

– Mon sultan ce n’est pas moi qui décide. C’est l’au-delà.

Je vois la carte des amoureux. C’est le personnage central partagé entre deux femmes. Celle de gauche sur l’image porte un chapeau, symbole de respectabilité. Celle de droite est une jeune femme à la tête découverte, signe de désir sexuel. Chez ce personnage, l’hésitation est matérialisée par les pieds, complètement écartés, et le buste, orienté vers la jeune. C’est le « doute » l’hésitation, l’incertitude de la passion du désir de deux êtres. Je vous invite à la prudence.

Il intervient :
– La prudence pour le mariage? Pour l’union de mon fils avec la fille de l’Émir ?

Asma répond :

-Autour de vous, il y a le chiffre trois. Trois passions. Trois prudences.

Elle poursuit sa lecture des cartes :

– Dans la carte du soleil, je vois le visage d’un jeune imberbe voulant mettre la jeunesse au nombre de ses emblèmes. Deux jeunes hommes à qui il revient de demeurer éternellement jeunes sous l’illumination de l’un avec l’autre et de sa divinité.

Le sultan est ravi d’entendre ses paroles, il perçoit l’ascension de son fils et de sa descendance, la naissance d’un petit-fils. Son esprit commence à se calmer. Il entrevoit la prospérité. Il partage sa compréhension à sa chamane, mais celle-ci poursuit dans un langage laconique la description de la dernière carte « le diable ».

– Cette carte fait référence aux excès. Elle induit l’ambition au niveau matériel, le sexe au niveau du cœur… Mais quoi qu’il en soit c’est une carte de mise en garde. Les passions poussées à l’excès ouvrent les portes de l’enfer. Malheur à celui qui va trop loin. En revanche celui qui maîtrise ses passions trouve en cette carte une réussite fulgurante. Mais je vois dans la sexualité, le diable de l’adultère et de la trahison.

Elle s’arrête épuisée. Elle termine en disant :
– Prudence mon sultan. À tout vouloir…contrôler, l’homme se fragilise. Maître, l’amour tourne autour de vous. Vous êtes au centre du cercle et il n’est pas à votre service.

Sur ces dernières paroles, il la récompense généreusement comme à l’habitude. Il cache à nouveau son visage et il sort de la maison d’Asma. Il emprunte les ruelles d’un pas rapide pour retourner au palais. Rassurée par les paroles de prudences de Asma, remplie d’espoir de nativité et de se savoir entourée d’amour et d’union possible. Il se réjouit à l’avance des jours à venir. Il comprend que l’ambition du bien matériel pourrait l’anéantir. C’est la carte de la « prudence » qu’il doit jouer. Il veut découvrir de qui il doit se méfier. Ces pensées rassurées le remplissent de joie à l’idée du mariage de son fils.

Jour 41

L’atmosphère grossière et répugnante du campement de la prisonnière Fatma rend le temps immuable.  Le traitement réservé qu’aux jeunes servantes de la sultane rebute celle-ci. Elles subissent le sort d’être les épouses des Kalashs, ses hommes aux mœurs dégradantes. Le jour comme la nuit, les cris des viols ne cessent de troubler le cœur des vieilles dames de compagnie de Fatma, protégées par leur corps affranchi de sensualité. Les trois dames en silence auprès de la sultane s’inquiètent de leurs sorts et de celui réservé à leur maîtresse. Fatma garde sous silence le complot dans lequel elle a consenti par amour. Dans son mutisme, l’inquiétude l’habite.

 

  • Kamel avait-il prévu tant de violence? Tous ses hommes morts et mes servantes données en pâture à ses tortionnaires. Savions-nous que pour faire vivre notre amour, il devait y avoir tant de souffrance.

 

Les rares visites de courtoisie de la part du fils de son amant apparaissent tel un fauve en cage. Il entre dans la tente des femmes, les regarde sans dire mot. Ces traits de son visage vieillis subitement arborent des yeux embarrassés. Il feint un sourire pour la sultane et ressort aussitôt. Pour Fatma, c’est clair, le fils de Kamel peine à légitimer son rôle dans cette horde (bande) du chef Akrami.

 

  • Qui est cet homme arborant ses vêtements tout de noirs vêtus? Son visage métissé d’homme d’Afrique, d’Asie et du désert, d’un seul geste de tête tous tressaillent devant lui. Peut-on lui faire réellement confiance ?

 

 

Fatma envisage de parler seule avec Farid pour se rassurer sur leur avenir. À l’extérieur de la tente de la sultane, il règne un désordre qui donne la nausée à Farid. En rien, cela ne ressemble à sa vie au palais. Malgré les récits des cavaliers de la garde de son père, jamais autant de bestialité racontée. Les hommes forniquant à tout moment sans se cacher, mangeant, buvant et criant des chants mystiques. Farid ère entre son propre campement et celui de la sultane. Il traîne en attente de converser avec le chef Akrami. Depuis leur arrivée, ce chef se terre dans la grande tente remplie de jeunes vierges bien gardées à l’entrée par ses hommes. Le récit de son père sur cet homme s’avère fourbe. Les éloges d’un grand guerrier au pouvoir absolu régnant comme un divin sur ces hommes cumulant victoires et conquêtes manquent de précision, de véracité.

 

  • Au Père as-tu signé un accord avec un usurpateur? Sommes-nous en sécurité réellement ?

 

Farid habité par le doute s’inquiète pour lui et sa sœur disparue ainsi que son amant.


 

Chapitre 16

 

Jour 41

 

Un pigeon en toute volée traverse le désert jusqu’au palais du sultan, on reconnaît à son tatouage qu’il provient de l’oasis de Kadesh. Décryptant le message avec attention, le Vizir informe le sultan de son contenu : Vénérable sultan, un de mes guerrier vient tout juste de m’annoncer une nouvelle qui me renverse et me chagrine au plus haut point. Il m’affirme, preuve à l’appui, que Djamil et la sultane Fatma ont été fait prisonniers par les guerriers Kalashs lors d’une sauvage attaque de la caravane transportant mes biens les plus précieux, “ MES ENFANTS”. Nous sommes subjugués, en grande colère et très inquiets du sort que ces barbares ourdissent, alors , l’urgence d’agir pour leur délivrance est cruciale, nous vous offrons humblement notre aide pour qu’une action conjointe crée force de frappe importante.

 

Kamel fier et pompeux ne laisse paraître en rien tout le désespoir qui l’habite, aucune nouvelle de son adorée:” fatma, Fatma…où es-tu dans quel guêpier t’ais-je jetée ? Reviens-moi tu es toute ma vie je me meurs sans ton amour. Allah protège celle que j’attends depuis si longtemps.” Sur ces pensées Kamel se dirige à toute vitesse vers la citadelle préparer une virulente attaque.

 

Au campement des barbares les orgies se poursuivent sans relâche. Plusieurs guerriers ont pris femmes les servantes de la sultane. Objets de plaisirs, ces dernières ne servent qu’à combler les désirs des hommes de toutes les façons. N’ayant aucun moyen de les défendre Fatma subit sans mots dire, le cœur chaviré et les larmes aux yeux ces horreurs qu’elle devine. Les servantes plus âgées et sans beauté restent auprès de la sultane en remerciant Dieu de les épargner de ces tortures répugnantes.

Djamil de son côté tentent de discuter avec le chef Akrami qui l’envoie paître sans ménagement. “ Ce n’est sûrement pas un jeune blanc bec sans expérience qui va me dicter mes agissements, retournes dans ta tente ou je te fais fouetter par mes hommes.” Penaud , Djamil retourne dans son campement en maudissant les machinations de son père qui semblent avoir échouées.

 

Akrami le grand chef barbare est le fruit d’une jeune fille violée à l’âge de 13 ans. Répudiée par le grand manitou qui avait deviné son état, la sachant sans union consentie, sa mère accoucha seule et recluse dans les plus grandes souffrances et la pauvreté la plus absolue. La rage au coeur et la misère au corps elle éleva son fils à la dure voulant faire de lui un guerrier menaçant pour venger son honneur. C’est de villages en villages, de batailles en batailles et de pillages en pillages qu’il grandit et fit son apprentissage de jeune homme sans pitié, prêt à tout pour acquérir gloire et richesses. Tout comme un pur Kalash, il avait un regard d’un bleu sombre, les cheveux et le teint assez clairs et on le disait très bel homme mais rien ne fleurissait dans son coeur car déchiré par les épines de ses mauvais souvenirs, il ne vivait que pour venger l’injustice faite à sa mère, le seul être qu’il chérissait. Il parvint donc à ses fins, sa mère en sécurité et jouissant de richesses grâce à lui, il poursuivit sa route en toute quiétude. Il revint donc dans les vallées de son enfance Bumboret, Rumbour et Birir où il cueillit un à un les meilleurs guerriers en leur promettant force de gloire et de plaisirs. Après quelques années, Akrami se tenait à la tête d’une redoutable armée, tous le craignait car aucun ne connaissait le désert et ses secrets mieux que lui.


 

Chapitre 17

 

Jour 41

 

Déjà quatre jours dans cet antre où la vie se déroule autour du blessé. Un rituel de soins méticuleusement prodigué par la belle Soraya sous les conseils de Samia. Farid en retrait bien assis au fond regarde la scène où l’amour et le savoir-faire redonnent la vie au général presque mort à son arrivée. Il contemple les gestes de ces deux femmes. Il découvre un amour indéfectible entre le général et cette jeune fille promise à un autre pour le pouvoir des hommes. Jamais dans sa vie, il avait vu tant de tendresse dans les gestes et les regards. L’homme alité lutte pour demeurer en vie pour elle. Lors de ses délires fiévreux, on entend que le nom de sa bien-aimée. Et lors de ses moments de courtes consciences, il lui tient les deux mains pour se rassurer qu’il ne rêve pas. Sa présence constante à ses côtés est plus forte que les soins apportés. Elle lui fournit une raison de survivre.

 

Devant tant d’amour, Farid repense au bonheur des caresses de son premier amant. Il craint que ce voyage les sépare à jamais. Malgré toute l’allégresse ressentie au moment de leurs ébats sexuels, il n’a jamais perçu l’adoration, la flamme, la ferveur dans les yeux de Djamil comme ce couple dans ce refuge. Farid attirée par le dénouement qui se joue sous son regard. Il se voit difficilement être l’auteur du crime odieux de mettre fin à cette histoire d’amour. Pour lui, tuer le général Al-Din devient impensable. Entre ses tâches quotidiennes d’assurer le maintien du feu, l’approvisionnement requis par la chamane, il pense à tout dévoiler sur le plan de l’Émir. Cette idée qui occupe son esprit parvient à délier sa culpabilité envers ses deux amants. Mais rongé par le cafard de la colère et de la déception de l’Émir et de Djamil, son ami d’enfance, il ne parvient pas à résoudre ce dilemme.

 

Le soir venu, Samia convie ses hôtes à ses rites chamaniques. Pour la première fois, le général réussit à se maintenir assis avec l’aide de Soraya et de Farid pour observer la clairvoyance de la sorcière. Elle commence par mettre ses colliers de dents de fauves dans son coup et arbore fièrement sur sa tête la peau d’un serpent. Assise devant le feu, elle roule entre ses mains agiles et râpées des plantes séchées préalablement dans des feuilles de mirabellis. Chaque geste lui permet de rentrer en transe. Elle allume cette concoction.  Elle hume les émanations des herbes fumantes. Les chants inaudibles durent le temps de voir le soleil s’enfoncer dans le sable. Épuisé, le général gémit de douleur et de fatigue. Il est recouché par ses deux aide-soignants.

 

Samia poursuit sans interruption sa connexion avec les esprits de la nature. Elle parle en leurs noms.

 

  • Présence d’amour éternel pour la jeune promise. Les conquêtes portent le poids de ces morts. La lune chevelue amène avec elle la calamité des récoltes.

Jeune homme interdit d’aimer. Maudit et jugé par ses pairs. La rencontre d’un cœur aimé se trouve derrière les frontières. Ravage dans les âmes des hommes de pouvoir.

 

Après ses prédilections, l’effet de l’opium dans ses plantes la plonge dans un sommeil lourd. Farid regarde Soroya et lui dit :

 

  • Que retiens-tu de ses paroles ? Est-ce que tu y comprends quelque chose ?
  • Oui Farid ! J’ai compris que notre amour entre Al-Din et moi avait la protection des dieux. Qu’il est éternel ! Je l’ai toujours su depuis la première fois que je l’ai vu. Et là, la chamane nous a bénis ce soir. Mon vieil ami d’enfance, Farid, je connais ton secret entre toi et mon frère.

 

Farid apeuré se recule au moment où il entend son homosexualité connue de la bouche de Soraya . Comment le sais-tu ?

 

  • Je vous ai vu cacher lors de mes sorties à cheval. Pour moi, je le savais avant de vous voir. Vos gestes, vos jeux, je connais tout de vous deux. Et ce soir, Samia confirme que vous a le droit d’aimer. N’est-ce pas merveilleux ?
  • Soraya ! je vois tout l’amour que vous vous portez l’un envers l’autre toi et le général et je suis bouleversé à l’idée de briser ce lien.
  • Qu’est-ce que tu veux dire ?
  • Oh Soraya ! je me sens incapable de suivre les commandements de ton père. Tuer le général, pour permettre à ton père devenir le sultan. Tout ce voyage est un canular. Ton père veut prendre Al-Khandra pendant que le sultan conduira son armée pour sauver son épouse enceinte de lui. Et oui! Ton père et la sultane sont amants et ensemble ils régneront sur le royaume le plus riche. Al-Khandra et Kadesh. Toi, tu épouseras le fils tel que prévenu et lui conférera une place auprès de l’Émir pour le pardon de sa mère comme traitresse.
  • Que dis-tu là ? Et mon frère est au courant?
  • Bien sûr ! Il veille sur la sultane et il est le lien entre les Kalashs, les ravisseurs mandatés par Émir pour une rançon de vous deux.
  • Merci Farid de sauver la vie de mon amoureux. Je ferai tout pour toi. Tu as ma parole de mon silence sur ton amour envers mon frère. Si tu l’aimes encore ?
  • Je ne sais pas ! Ici loin de lui et vous voir vous aimez tous les deux. J’ai le sentiment que je l’ai perdu. Je l’ai perdu dès que nous avons pris la route vers cette guerre.
  • Allons dormir. Demain on racontera à Al-Din le plan de mon père et il nous guidera sur ce que l’on doit faire. Il a toute ma confiance et ma vie.
  • Merci Soraya ! je me sens libérer d’un fardeau.
  • Bonne nuit !

Jour 44

 

Les sorcières, les chamanes disaient juste. Dans les contrées, là où les champs, les jardins et les vergers approvisionnent le peuple de Al-Khandra et ses environs sont dévastés par les nuages de criquets. En une journée, elles ont ravagé les provisions à venir. Rapidement dans les villages et à Al-Khandra, le peuple s’affole devant cette calamité. Criant et pleurant, la foule s’entasse pour se cacher de cette vermine. La peur de la famine crée un tollé dans la garde rapprochée du sultan, le grand Vizir et Ben Gour sont sans  mot. Vitement, il ordonne la présence de son astrologue Ibrahim Al-Jamali. Celui-ci intervient aussitôt se sachant convoiter devant ce cataclysme. Empressé de vouloir atténuer la tension dans la salle et la colère du sultan, il parvient à attirer l’attention lorsqu’il annonce :

 

  • L’attaque des nuages des criquets dans les champs à l’aube de la moisson est provoquée par la présence de la lune chevelue.

 

Tous posent la même question :

 

  • Comment la faire partir ?
  • Selon le calendrier hégérien, elle disparaitra lors de l’arrivée de la sixième lune. Soit dans quatre nuits.
  • Mais d’ici là, il ne restera plus rien à récolter.
  • Mon maître les criquets suivent le chemin de la lune chevelue et celle-ci a commencé sa descente. Soyons confiants. Allah est avec nous.

 

La dissension se dissipe entre les membres de la garde du sultan, encouragés par les paroles de l’astrologue. Même le grand Vizir boit ses paroles d’espoir.  Mais Ben Gour reste sur ses réserves. Encore quatre jours de pillage qui risquent d’appauvrir les coffres d’Al-Khandra. Le sultan fit sortir tout le monde et il se dirige vers ses appartements en prévision d’une consultation nocturne auprès Asma, sa diseuse de bonne aventure. Il est soucieux pour son épouse, de sa vie entre les mains de sanguinaires. Avec des calamités comme la présence des criquets , ce peuple peut en échange avec leurs dieux l’offrir en sacrilège.

 


 

Chapitre 19

 

Jour 50

 

Quand l’agitation provoquée par le départ de l’armée fut retombée, Karim saisit tout le poids et les responsabilités conférés par la chevalière qu’il portait au doigt. Il revit en un éclair la scène de sa remise. Solennel comme jamais son père lui passait sa chevalière au doigt: “je me sépare de ce sceau pour la première fois mon fils, sois digne de ma confiance et surtout promets-moi de veiller sur notre famille, notre peuple et nos biens.”Karim n’avait pu cacher son émoi et son père paru aussi affecté que lui. C’est donc avec toute l’énergie de sa jeunesse et l’opiniâtreté inhérente à son caractère qu’il accepta cette responsabilité suprême.

Non loin de la scène, Le Grand Vizir, en espion aguerrie et aiguillonné par cette décision, se frottait les deux mains avec un sourire diabolique. “ Ce fils orgueilleux et impulsif va me permettre d’augmenter mes pouvoirs et enfin détrôner le sultan.”

 

Jour 51

 

Avant que Karim ne rende visite aux belles dames du sérail, il prie le Vizir de l’accompagner pour un tour du cheptel et du sultanat s’assurant que tout est en place pour le prochain déploiement, et aussi pour informer ses ouailles qu’il assume le rôle de grand maître. Agacé et surpris par le désir de Karim de s’occuper de tout, le Grand Vizir l’intime de rassembler le reste du conseil, qui en fait, se limite à très peu de personnes. Ce faisant, il pourra démontrer son savoir et ainsi s’abroger un peu plus de pouvoir sur le jeune homme sans expérience. Au conseil Le Vizir s’exprime en ces termes :“Il serait peut-être préférable de diviser le départ du prochain bataillon en deux temps, sachant que notre oasis pourrait être prise d’assaut nous ne pourrons défendre notre position avec le peu d’effectif resté en place, la situation pourrait devenir dangereuse. Réfléchissez bien jeune homme avant de prendre action.” Songeur, Karim se demande si cet homme de confiance n’a pas un peu raison quoique son père pèse toujours le pour et le contre avant toute décision . Quoi faire alors…..! se tournant vers le vieil ami de son père, Ben Gour comprit immédiatement son dilemme. Il pria donc le jeune guerrier de lui accorder quelques instants. “Mon cher Karim toute décision si juste soit-elle demande réflection mais crois-en son vieil ami, ton père est un grand guerrier et jusqu’à présent je ne l’ai jamais vu se leurrer sur une décision d’acte de guerre. J’ai vu avant hier le Vizir discuter avec un groupe de méharistes et je n’ai pas aimé leurs réactions. Ils semblaient boire ses paroles et tous avaient un grand sourire aux lèvres. Je te le dis fils, méfies-toi de cet homme il a une si grande soif du pouvoir que sa conduite pourrait en être teintée et nuire à ton père en déjouant ses décisions et en te faisant douter de toi. Suis la route qu’il t’a tracée car il n’y a pas de plus grand homme que celui qui t’a donné la vie et remis son pouvoir.

 

Jour 52

 

Au camp des Kalashs , Akrami, nu, besogne brutalement une de ses maîtresses, un cri rauque s’échappe de la tente ce qui fait sourire les gardiens en faction. Distraient par les images qui leur viennent en tête , prennent-ils un certain temps avant d’entrevoir le nuage de poussière qui monte à l’horizon car c’est l’heure où le Soleil aveugle donc celle de la sieste. Les plus chanceux se vautrent dans leurs lits avec compagnes soumises mais pour eux , pas de repos, leur tour de garde est arrivé et doivent obéissance à leur chef .

Tapis derrière une montagne, Kamel et ses hommes observent la scène dans le plus grand silence, heureux de leur ruse et surtout de n’avoir été repérés, ayant pris toutes les précautions nécessaires comme vipère attendant sa proie.

Revenant sur terre, les gardes en alerte ne peuvent discerner clairement ce mouvement inusité. Mais, ne prenant aucune chance, cimeterre à la main et arc à l’épaule les gardes lancent un cri de guerre propre à faire fuir tous les chacals du désert. Akrami sort de sa tente déjà costumé et armé, saute sur son cheval et se précipite tête première à l’assaut des impudents. L’effet de surprise le déstabilise un peu mais sa rage augmente lorsqu’il aperçoit Kamel suivie de quelques méharistes tous armés jusqu’aux dents.

“Pourquoi cette attaque ? J’ai rempli ma mission tel que demandé!”

“ oui mais tu détiens impunément mon fils et la sultane ! Que comptes- tu faire d’eux ? Nous avions un accord il me semble. Ta parole ne vaut-elle donc rien ?”

“Ha ha je suis un barbare ne le sais-tu donc pas ! J’ai d’autres projets plus rentables et ce n’est pas toi qui va me dire quoi faire. Tu pars dans ton oasis ou je te tranche la gorge.” Rouge de colère kamel se précipite sur le barbare voulant lui livrer un combat sans merci. Plusieurs hommes d’Akrami encerclèrent Kamel et ses méharistes désirant être témoins de ce duel.

Profitant de l’occasion, Djamil sort son couteau et dans un geste précis égorge la pseudo servante gardienne de la sultane. Vif comme l’éclair, il déchire ensuite l’arrière de la tente et se précipite dehors avec Fatma et sa servante. “Courez le plus vite possible vers la montagne de feu je vous y rejoins avec deux dromadaires. Faites-moi confiance je connais plusieurs ruses.

Quoique tout concentré au combat, Kamel voit brièvement Djamil lui faire un signe connu d’eux seuls. Enfin une bonne nouvelle, il comprend la fuite de sa bien-aimée. Avec rage il ordonne à sa cavalerie d’occire ces barbares sanguinaires tentant le tout pour le tout. Le Soleil aveuglant et le nombre grandissants des barbares ne leur laissent aucune chance. Kamel bat en retraite, il sait son objectif atteint, il n’a qu’une seule hâte, retrouver son amour.

Cachés par une dune et à bonne distance du campement, Djamil rejoint les deux femmes, les installe sur un dromadaire puis aux pas de courses fuient cet enfer. “ Enfin libres ! Comme il me tarde de revoir l’amour de ma vie et le père de mon enfant. Djamil vous êtes un brave et vaillant guerrier comment pourrais-je vous remercier ? Vous êtes la fierté de votre père et la mienne que Dieu protège votre avenir et la nôtre.”

 

 

Jour 53

 

La journée à dos de dromadaires fut interminable pour les trois fuyards, la fatigue se faisait sentir bien que la hâte de retrouver l’oasis de Kadesh les motivait à poursuivre leur route sans halte, même si le ciel devenait un immense voile d’or avec un soleil brulant le sable des dunes.

 

Jour 54

 

Enfin, l’ultime récompense , Fatma et Djamil reconnaissent le superbe alezan de Kamel qui s’élance vers eux. Tellement heureuse de cette apparition que Fatma perd connaissance. Kamel décontenancé saute de son cheval pour étreindre sa dulcinée et la serrer dans ses bras. Peu à peu Fatma sort de son inconscience pour admirer l’homme de sa vie. “Mon Kamel adoré j’ai bien cru que le reste de ma vie et celle de notre enfant s’étendrait comme un long désert aride sans toi. Allah nous a béni car je porte en moi le fruit de notre amour.” “ Quoi, tu attends un enfant ? Quelle merveilleux cadeau d’Allah, sois bénie entre toutes . C’est le coeur débordant de joie qu’il la pris tendrement dans ses bras pour la mener dans leur suite du palais.

 

Jour 55

 

La rage au sang, Akrami hurle sa colère. La perte de la sultane n’enfreint pas l’avidité de la richesse. Le son perçant des cris des kalashs envoûte les esprits de la mort à la vengeance. Rien n’arrête ses hommes à s’emparer du butin. Akrami jure haut et fort qu’ils obtiendront la rançon. Ils se convint qu’à eux seuls sans l’Émir et son armée, ils vaincront le sultan et sa garde rapprochée. Il regarde en direction de la tente des soumises. Et il ordonne.

 

  • Habillez une de ses femmes comme la sultane! Je conjure son époux à sa perte.

 

Deux hommes agrippent la servante kalash au passage et lui ordonnent d’obéir à leur chef. Celle-ci s’empresse d’exécuter la supercherie. La femme entre dans la tente, où se trouvent de jeunes femmes apeurées par leurs sorts. Elles se regroupent et elles se serrent entre-elles.

 

  • Toi ! tu seras la sultane.

 

Une jeune fille aux longs cheveux couleur d’ébène se sent pointée. Elle recule dans l’espoir d’échapper aux mains de cette femme. Depuis leurs captivités, les jeunes maîtresses de la sultane subissent chacune à leur tour des sévices par les malfrats. Meurtries dans leurs âmes, elles errent comme des agneaux impuissants devant leurs bourreaux. Leurs gémissements se confondent au chant des brebis. Les autres se décollent rapidement d’elle, soulagées du rejet. La jeune fille se retrouve seule au centre de la tente. Empoignée par le bras, elle se laisse conduire vers le pavillon de la sultane.

 

Les dames de compagnie encore sous le choc de la fuite de leur maîtresse, ne connaissant pas leur avenir, elles implorent Allah de les sauver. Surprise par la présence   d’une captive, elles comprennent rapidement que la sultane est libérée par l’Émir Kamel. Et que le sultan s’apprête à récupérer son épouse avec un convoi de fortune. Sous les ordres de la servante, elle habille la jeune fille dans les plus beaux habits de la souveraine. À visage voilé et orné de bijoux, la duperie est habillement exécuté. L’espoir règne à nouveau pour les dames de la sultane. Elles entrevoient la possibilité d’une libération par le sultan et son armée.  Elles obéissent aux exigences de la servante des Kalashs, le cœur rempli de confiance.

 

Attisée par la fortune, la mise en scène pour accueillir le convoi s’accomplit. Les hommes armes à la main attendent le signal de leur chef, Akrami. Un cheval blanc monté par la jeune fille à l’allure de la sultane scintille de loin pour attirer l’attention devant le campement dans l’attente de l’attaque. Le soleil à midi, l’heure prévue pour l’échange des biens royaux.   

 

Non loin de là se trouve l’émir Kamel.  Le cœur gonflé de joie pour l’enfant que porte Fatma, il la sert précieusement dans ses bras accompagner d’un long baiser. Suivi de la promesse de revenir triomphant.

 

  • Ma douce Fatma. Enfin le jour de notre amour légitime est arrivé. Avant la nuit tombée, je te rejoins dans ton lit en souverain pour honorer notre enfant.
  • Mon amour revient moi en roi. Ensemble, nous vivrons de grand bonheur. Nous retrouverons ta fille pour l’unir à mon fils et ensemble ils nous donneront à leur tour un enfant. Allah est avec nous. Je t’aime.

 

Sur ces paroles de félicité, kamel monte en selle sur son cheval accompagné de son glorieux fils et de sa puissante armée prête à tuer son rival. Il avance en direction du campement des kalashs. Ils se terrent dans l’attente de l’arrivée du sultan avant de s’engager dans la bataille. Kamel maintient sa stratégie de feinte une attaque aux Kalashs pour supprimer le sultan.

 

 

—————-

 

Le convoi du sultan tant attendu avance lourdement dans le sable chaud du désert. Le souverain, un homme aguerri aux combats depuis sa jeunesse compte plusieurs conquêtes dans le corps à corps. Sur sa monture au couleur de son emblème, il se dirige pour libérer son épouse Fatma avec la complicité de l’émir Kamel. Et anéantir ses voyous au nom de sa suprématie et pour l’avenir de son fils, Karim.

 

Avant d’apparaître aux yeux des Kalashs, le convoi est arrêté par l’apparition d’une femme criant au sultan :

 

  • La sultane n’est plus ! La sultane est partie!

 

Rapidement, la femme est prise en charge et on lui permet de s’adresser au sultan.

 

  • Femme vous appartenez à qui?
  • Oh mon maître! Votre épouse est ma maîtresse. L’émir Kamel a libéré la sultane des truands. Ces méchants vont feindre sa présence. Ils veulent vous prendre le trésor.
  • Mettez cette femme à l’abri et donnez-lui les soins requis.
  • Toi, mon messager. Part informer mon armée de me rejoindre rapidement. Je les attends pour attaquer les kalashs.

 

La libération de son épouse rassure le sultan mais la colère. Mais la rage attise son besoin de vengeance.  Il attend avec impatience le moment d’anéantir ses bêtes. Rondement, un nuage de sable se lève sous les pas rapides des chevaux de l’armée, ils apparaissent aux vus et sus des kalashs et de l’émir Kamel.

Dans une attaque de corps à corps les hommes du sultan tue un après l’autre les kalashs avec l’aide des hommes de l’émir. Dans un duel entre le sultan et Akrami, kamel surgie et sa lame tranche la jugulaire du chef des Kalash.  Kamel crie :

 

  • Je veux ta mort ….

Ouf c’est un exercice des plus difficiles la BATAILLE  si vous n’étiez pas là j’abandonnerais….


 

Chapitre 21

Jour 56

 

Le voyage d’Al-Din, Soraya et Farid à travers la montagne de la Lune s’étire lentement. La piste indiquée par Samia grimpe par un col qui permet le passage vers le village de Chérouan. Les pentes abruptes exigent des efforts extrêmes des chevaux. Souvent, Soraya et Farid descendent de selle pour guider les bêtes par-delà les obstacles. La faiblesse du général les oblige à de nombreux arrêts. Tout cela ralentit leur progression.

Farid observe l’affection grandissante entre Soraya et le blessé. Soraya prodigue son rituel de soins quotidien à Al-Din.  Les deux amoureux profitent de la douceur de ces contacts, sous le regard absent de Farid. Parfois, il s’éloigne de leur campement de fortune pour les laisser à plus d’intimité. La passion fait place à de multiples attentions, à des gestes doux, à des moments de connivence et de tendresse. Leur bonheur de partager ces instants compense largement les rigueurs du périple.

Le ciel du désert vient de troquer sa couleur bleue pour celle de l’améthyste. La lassitude du voyage accable les fuyards. La nuit glaciale ne leur laisse aucun répit. Ils bivouaquent, allument un feu puis s’enroulent dans les couvertures données par la chamane, se serrant les uns contre les autres à la recherche d’un peu de chaleur. Le firmament saturé d’étoiles gonfle les cœurs des deux amoureux. Mais une ombre plane sur leur avenir. Soraya ne peut cacher son inquiétude.

 

  • Je ne veux plus sauver le sultan ! Je veux sauver notre amour ! Quittons ce pays !
  • Voyons Soraya ! Notre relation ne peut être dévoilée tant que le sultan risque de mourir. C’est un homme bon et juste. Il répudiera cette alliance pour son fils. Lui faire épouser la fille de celui qui l’a trahi, ce sera impossible ! Je te conjure de me croire. Notre amour vivra dans l’honneur. Soraya, aie confiance ! Nous devons appuyer le sultan.  Nos vies en dépendent.
  • Et si tu as tort ? J’ai tellement peur de te perdre… j’en mourrai ! Je t’aime Al-Din, et quoi qu’il arrive, mon cœur t’appartient.
  • Aucun vent du désert n’éteindra ma passion pour toi : dans tes yeux de gazelle de la montagne, je me noie. Ton nom s’impose à mon âme comme le parfum des dattiers en fleurs.

 Ce disant, il hoche la tête et enfouit son regard dans le sien :

  • Pour toujours et à jamais, mon bel amour.

Soraya presse dans ses mains l’amulette offerte par Samia :

  • Elle m’a juré que ce talisman me protègerait. Je prie Allah pour que ce soit vrai.

 

Elle s’endort en pleurant doucement dans les bras du général. Farid et lui restent éveillés jusqu’au lever du soleil. L’inquiétude les ronge et perturbe leur sommeil. Ils attellent leurs chevaux après cette longue nuit. Et ils reprennent la route vers un destin incertain.

 

Le pic de l’Aigle traversé, les trois fugitifs rejoignent enfin le chemin d’Al-Khandra. Les conseils judicieux de la sorcière ont permis aux voyageurs d’y parvenir sains et saufs. Farid se précipite et monte la crête de la colline la plus proche. D’en haut, il croit deviner un tracé sinueux et plus loin, les silhouettes noires et rigides des dattiers s’élançant aux abords de l’oasis. Il se retourne en criant :        

  • Enfin, nous y sommes. Nous parviendrons à destination avant le zénith. Allah soit loué.

 

Encouragés, ils reprennent la route. Enfin les murailles d’Al-Khandra se dessinent devant eux. Ils traversent les ruelles de la ville sous les regards étonnés du peuple. Malgré leur fatigue, les voyageurs se rendent immédiatement à la casbah pour alerter le souverain. Al-Din descend de sa monture avec difficulté. Le vizir Rachid Chorba, prévenu par un coursier, ne peut cacher sa stupéfaction devant ce revenant.

 

  • Tous vous croyaient mort ! Comment avez-vous survécu ? Et qui sont ces gens qui vous accompagnent ?
  • Je vous présente Soraya, la fille de l’émir Kamel bin Abdoul. Je dois ma vie à ses bons soins. Sans elle, je succombais. Et voici Farid, l’ami de son frère Djamil. C’est un jeune homme juste et loyal. Il a toute ma confiance.

Sans donner d’autres explications, le général s’informe :

  • Le sultan est-il parti ?
  • Bien sûr. Dès la demande de rançon pour son épouse, il a rassemblé son armée et s’est dirigé vers la plaine du Guergish. Il a transmis ses pouvoirs à Karim il y a dix jours.
  • Ah ! Nous arrivons trop tard. Il sera tombé dans le piège.
  • Que voulez-vous dire ?
  • Je dois parler à Karim de toute urgence. La vie de son père et l’avenir du sultanat sont menacés.
  • Vous êtes exténués, racontez-moi tout et je déciderai avec le prince Karim quelles mesures nous devons prendre.
  • Non, je dois le voir en personne ! Dites-lui que nous l’attendons dans la salle du Conseil.

Devant la détermination du général, le vizir s’incline.

  • J’envoie un garde le prévenir.

                                            *********

En l’absence de son père, Karim profite de tous les délices du pouvoir, en particulier de visites au harem. Il batifole avec quelques servantes pour tromper les yeux et les oreilles des eunuques. En secret, il honore Nabila, la plus jeune épouse du sultan. Cette dernière, se sentant délaissée, répond avec empressement à ses avances. Elle vit dans l’espoir de devenir un jour la favorite de Karim.

 

L’envoyé trouve Karim avachi dans son lit. La fête s’était poursuivie tard la nuit précédente. Indolent et de mauvaise humeur, il accueille le messager avec brusquerie.

  • Pourquoi me déranger si tôt ? J’avais demandé qu’on me laisse dormir !
  • Le Grand Vizir tient à vous informer du retour imprévu du général Al-Din. Votre fiancée, Soraya, l’accompagne. Ils réclament votre présence. Ils vous attendent dans la salle du Conseil.

De mauvaise grâce, il se soulève de sa couche.

  • Dites-leur que j’arrive bientôt.

Lentement, il se lave le visage avec une serviette parfumée et peigne sa barbe. Puis il choisit une djellaba ornée de broderies dorées et se coiffe d’un keffieh blanc. Un ceinturon de cuir ouvragé et un kandjar à l’étui serti de pierres précieuses complètent le costume. Il se contemple dans un miroir de bronze. Ravi, il se dirige vers la réunion, intrigué par la réputation de cette Soraya.

Dès son entrée dans la salle, il détaille la fille de l’émir, la dépouille de ses yeux vaniteux. Sans se cacher, il cherche à deviner ses formes sous ses vêtements. Il ne masque pas son dégoût devant sa tenue. Le saroual de voyage est crotté et les cheveux crasseux dépassent de son hijab. La poussière du chemin couvre les aventuriers, leur donnant une apparence misérable. Sans se soucier de la présence d’Al-Din et de Farid, il annonce :

  • Voilà ma promise ! Eh bien ! Je ferai avec… Dépêchez-vous de la rendre supportable à mes yeux. Qu’on lui prépare un bain chaud et une toilette plus appropriée pour ma future épouse.

 Il commande à un eunuque :

  • Conduisez la princesse Soraya dans ses appartements et confiez-la aux soins des servantes de ma mère.

 

Il tourne son regard hautain vers Al-Din. Soraya lui assène un flot d’invectives :

  • Abruti ! Je n’appartiens à personne ! Je suis à moi ! Prince ? Où ça ? Tu ressembles à ces vauriens de Kalashs. Pas des hommes ! Des bêtes !

Le visage rougi par la colère, les épaules tendues par le désir de l’étrangler, Karim prend de grandes respirations pour éviter de la tuer sur le champ. Il lui répond :

  • Intéressant ! Je vous montrerai si je suis une bête au lit. Conduisez-la dans ses appartements et interdiction de contact avec quiconque.

Elle lui lance un regard acide. Al-Din et Farid restent interloqués à la vue de cet esclandre. Sans rien ajouter, elle se tourne vers la sortie. Ses gestes vifs témoignent de sa fureur devant l’impolitesse et la condescendance de ce prétentieux.

  • Cette jeune femme a besoin d’un maître. Elle va apprendre à tenir sa place.

Un silence embarrassé alourdit l’atmosphère. Karim ne paraît pas s’en émouvoir. Il enchaîne :

  • Général Al-Din, je suis soulagé de vous revoir. Nos informations prétendaient que tous nos hommes avaient péri dans l’attaque des Kalashs.
  • Une flèche m’a atteint. Je ne dois ma survie qu’aux bons soins de la princesse Soraya et de l’écuyer Farid. Mais les Kalashs n’ont pas agi seuls.
  • Avec qui d’autre ?
  • Kamel bin Abdoul a comploté avec les Kalashs. Il veut prendre la place du sultan Abdullah bin Ali. L’enlèvement de la sultane est un piège. Les Kalashs l’attendent, appuyés par les hommes de l’émir. Une embuscade est prévue pour l’abattre.
  • Toutes ses troupes l’accompagnent : il saura bien se défendre. L’armée d’Al-Khandra demeure redoutable et ses méharistes parmi les meilleurs. Quoi que l’émir fomente, mon père en sortira vainqueur, j’en ai la certitude.
  • Qu’Allah vous entende ! Kamel bin Abdoul a recruté une force puissante et il dispose d’armes nouvelles.
  • De quelle sorte d’armes parlez-vous ?

Farid prend la parole :

  • Il s’est procuré des arcs mongols et il a entraîné ses cavaliers dans leur utilisation. Vous devez prévenir le sultan.

Rachid Chorba intervient :

  • Je crains qu’il ne soit trop tard pour l’avertir. Il devait arriver à la plaine du Guerghis hier.
  • Notre Grand Vizir a raison : un messager aurait besoin d’au moins trois jours pour le rejoindre, ajoute le prince Karim.

Un silence lourd pèse sur l’assemblée. Chacun mesure le danger qui menace le sultanat. Al-Din conclue :

  • La défense de la cité devient notre priorité. De combien de troupes disposons-nous, Prince Karim ?
  • Nous pouvons recourir aux gardes du Palais, soit deux cents guerriers. Une compagnie d’archers laissée en arrière peut aussi être déployée sur les murailles.
  • C’est trop peu. Nous devons donc faire appel à tous les hommes valides, les encadrer avec nos officiers et accumuler des vivres dans la casbah en vue d’un siège.
  • Vous avez raison, général. Monseigneur le vizir, veillez donner les ordres en conséquence. Fermez les portes de la ville et interdisez l’entrée à tout étranger. Fouillez les charrettes et confisquez toutes les armes.
  • Bien, mon prince. Je m’en occupe.

Rachid Chorba s’éloigne pour remplir sa mission. Al-Din profite de cette absence pour aborder un sujet plus délicat.

  • Prince Karim, une autre motivation que la soif du pouvoir anime l’émir de Kadesh.
  • Qu’insinuez-vous ?
  • Il s’agit de votre mère.
  • En quoi cette guerre la concerne-t-elle ?
  • Bin Abdoul en est amoureux. Il veut la reprendre à votre père. Et nous avons la conviction que la sultane partage ses sentiments.
  • Quoi ? Soyez maudit de colporter de tels mensonges. Ma mère est une femme sans tache. Mon père l’adore et il en est de même pour elle. Jamais elle ne trahirait le sultan ! Jamais elle ne pourrait commettre pareille vilenie et manquer à son honneur. Elle est prisonnière de ce Kamel bin Abdoul, c’est certain.
  • Pourtant, Farid ici présent a vu l’émir…
  • Je ne veux plus entendre de telles énormités. Personne ne doit douter de la fidélité de ma mère !

Karim refuse d’affronter la triste réalité, constate Al-Din. Il lui précise le stratagème orchestré par l’émir pour vaincre le sultan. Sa réaction le surprend :

  • Mon général ! Il pourrait tuer mon père, mais il ne peut usurper le trône. C’est moi le successeur légitime si mon père succombe. Et cette chienne de Soraya, je l’épouserai de force, sous la contrainte. Son père n’aura rien : ni le titre ni sa fille.
  • Karim, calme-toi ! Tu perds la raison. Nous devons garder espoir pour ton père le sultan. Mais celui qui le tuera lui succédera, c’est la Loi du désert.

En furie, il crie :

  • Je le tuerai à mon tour !

Al-Din doit le rassurer et le tempérer. Finalement, Karim semble reprendre le contrôle sur sa rage.

  • Allez au hammam et reposez-vous. Vous avez traversé des épreuves pénibles et vous êtes exténués. Nous nous reverrons demain pour discuter des préparatifs de défense de la ville.

Al-Din s’incline et quitte la salle, accompagné de Farid. Il lance un regard dans la direction du harem, songe à Soraya maintenant inaccessible.

                                                   ********

Un peu plus tard, un cavalier discret s’éloigne des remparts. Déguisé en simple marchand, il conduit son cheval au petit trot. Hors de vue des sentinelles, il accélère et se dirige vers Kadesh. Il porte un message du Renard pour l’émir : «Soraya, Al-Din et un dénommé Farid sont arrivés à Al-Khandra. Attention, ils ont dévoilé votre secret. Quelles sont vos instructions?»

                                         ***********

Jour 57

Le soleil levant frappe le minaret de la mosquée. Le premier appel du muezzin à la prière résonne sur les murs endormis. La ville reprend sa pulsation immuable. Les sultans passent comme le temps qui s’écoule. Le marchand reste marchand. L’aveugle reste l’aveugle. Un renard reste un renard. À l’heure où les hommes prient, le Renard apprend la mort du sultan.

 


 

Chapitre 23

 

Jour 62

 

Entre les deux pôles du pouvoir se trouve la sorcière Samia. Sur tous ses sens, la terre tremble. Le bruit de la mort frissonne sur tout son corps. Celui-ci éveille le passage de ces trois rescapés. Des êtres écorchés qui vivent sous l’emprise de l’avidité du pouvoir. Un équilibre dicté par l’homme pour l’homme en soif de contrôle.

 

Elle plonge dans ses décoctions, combine plantes, fragments de reptiles séchés et des os nobles. Elle y ajoute quelques cheveux amassés lors du passage des trois survivants. Elle boit cette infusion et danse un rite pour leurs vies éternelles. Dans les flammes de son feu, elle y voit : des hommes aux cœurs vaillants marchant vers une quête guidée par un tout puissant. Un être mortel, Kamel sur monture, sabre levé droit vers sa souveraineté, dirige son armé et sa dame de cœur vers sa gloire. Son charisme attise les âmes démunis de toute essence de vie.

 

Femme, épouse, amoureuse et mère, Fatma, vit le dilemme du bien et du mal. L’enfant à naître, au sein de sa matrice ressent la dualité maternelle. Son instinct dicté par sa grossesse orchestre sa pensée protectrice. Sauvé ses enfants vivants et à naître avec l’aide de Karim. Leurs assurés une suprématie engage son allégeance envers son amant. Le doute omniprésent persiste dans son inconscient.

Tout près dans l’attente de la vengeance, un premier fils, Karim convoite l’expiation de la mort de son père. Il réserve à celui-ci qui détient sa mère et ose souiller son nom, une lutte sans fin. Son esprit de vengeance oscille jusqu’à souiller, avilir l’essence de Kamel par sa fille Soraya. Aucun doute, il la possédera jusqu’à la moelle. Elle sera son outil, son objet.

 

L’éphèbe, Farid, en quête de savoir a enfin trouvé. C’est au côté de Jaber, son amoureux qu’il apprend l’essentiel.  S’aimer pour aimer. Depuis leur rencontre, la vie entre les deux jeunes hommes défile à toute allure. Le temps presse pour exister au grand jour.  Mais où? La folie envahit leurs esprits. Leurs cœurs battent pour faire qu’un. À l’unisson, la fuite imminente est la solution. Le rêve d’une liberté les aide à coordonner un plan pour fuir l’oppression.

 

Le grand général rongé par la douleur du cœur se reproche ses choix. Il regrette le temps où son corps meurtri dépendait des douces mains de sa belle Soraya.  La souffrance physique de ses plaies lui manque. Le danger que court sa douce bien-aimée enfermée par le nouveau Sultan le terrorise. Comment la sauver ? Sauver leur amour? Les mots, les paroles dites par Soraya dans le désert retentit à tue-tête ?

  • Je ne veux plus sauver le sultan ! Je veux sauver notre amour! Quittons ce pays! Quittons ce pays….

Le son de sa douce voix résonne à tout rompre son cœur. Al-Din concède à Soraya que la solution est l’évasion sous l’oreille attentif du grand Vizir Rachid Courba ravi.

 

Dans le feu qui s’éteint, la chamane Samia voit la douleur de l’amour. Elle craint pour la beauté pure et innocente de la jeune à l’esprit libre. L’amulette la protègera-t-elle de la bêtise de l’homme? 

 

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À leur arrivée, c’est le siège à Al-khandra. Le fils s’étant proclamé Sultan refuse de croire que sa mère attend un enfant de l’assassin de son père. Le peuple prêt à concéder leur vie pour ce nouveau souverain monte la garde et protège les portes de la ville. Kamel est réduit dans l’attente d’une négociation ; la vie sauve de Karim et de son sultanat au prix d’un mariage garantissant sa souveraineté en héritage. Fatma cherche à convaincre par des messagers sa légitimité. Mais son premier fils demeure impassible.